Moteur Diesel
Pourquoi il tousse
Répondant à des normes environnementales de plus en plus sévères, les véhicules diesels ont été affublés de systèmes techniques complexes. Associés à une utilisation pas toujours adaptée, ces dispositifs antipollution sont souvent sujets à des pannes à répétition. Le remède serait-il donc pire que le mal?
Perte de puissance, à-coups de fonctionnement, surconsommation, colmatage du filtre à particules, panne de turbo, encrassement de la vanne EGR, claquements importants, moteur émettant un bruit de «tracteur»… la liste, déjà longue, est loin d’être exhaustive. Ces pannes à répétition sont autant de soucis que rencontrent aujourd’hui bon nombre d’automobilistes roulant au diesel. Et personne n’échappe à l’hécatombe. Venant de toutes les marques, les moteurs dCi, TDi, TDCi, HDi ou encore les JTD, CDTi ou les CDi sont tous concernés.
Réparations coûteuses
Jérémy, qui roule avec une BMW X3 2.0 d 150 ch affichant 50000 km au compteur, est amer: «Je me suis rendu chez BMW suite à l’allumage du voyant “moteur antipollution” et le concessionnaire m’a dit que le moteur était encrassé… La réparation avoisinera les 1500 à 2000 €.» Son témoignage résume à lui seul la situation que rencontre la majorité des moteurs Diesel en France. Et si les remplacements de vanne EGR, de turbo ou de filtre à particules sont onéreux, la facture peut encore s’alourdir dans les cas extrêmes. À terme, l’impossibilité de régénérer le filtre à particules (lire encadré "Filtre à particules") risque de se traduire par l’augmentation du niveau d’huile et la casse pure et simple du moteur. En effet, si le système électronique doit engager des phases de régénération du filtre à particules trop souvent, le surplus de gazole injecté dans le moteur peut se diluer dans l’huile du moteur. Cette dernière perd alors de son efficacité et son niveau peut croître dangereusement. Au fur et à mesure que le niveau monte, le moteur risque carrément de s’emballer – sans qu’il soit possible de l’arrêter – pour finir par casser. Un phénomène que Volvo et Fiat, pour ne citer qu’eux, connaissent bien. Les deux constructeurs recommandent en effet une vérification rapprochée du niveau d’huile.
De son côté, Volvo a averti les possesseurs de C30, S40, V50, V70, C70, S80, XC60 et XC70 (modèles jusqu’en 2010) qu’un contrôle du niveau d’huile devait être réalisé tous les 2500 km et qu’ils devaient se rendre dans une concession, afin de contrôler et éventuellement de remplacer une huile qui contiendrait trop de gazole. Prenant les devants, Fiat a équipé ses 500 1.3 diesel d’un témoin de niveau d’huile. Ce dernier mesure en temps réel le niveau de l’huile dans le moteur et avertit le conducteur par un signal au tableau de bord de l’obligation de passer à l’atelier. Dès lors, nombreux sont les cas où la vidange doit être réalisée précocement. «Je totalise 5608 km et un voyant allumé, associé à un message, m’indique qu’il faut faire la vidange d’huile alors que le carnet d’entretien précise qu’il faut la faire tous les 30000 km ou tous les ans», s’étonne ce propriétaire d’une Fiat 500 1.3 Multijet Lounge achetée neuve en mars 2009.
Garagistes impuissants
Même si la liste des témoignages d’automobilistes concernés par tous ces problèmes techniques n’en finit pas de s’allonger, les garagistes semblent démunis. En effet, ils n’ont souvent pas les moyens d’apporter une solution fiable et durable. Comme cette enseigne Renault en région parisienne, qui constate que même sa maison mère reste sans véritable réponse: «Une information interne nous indique qu’après trois interventions sur le filtre à particules d’un Koleos, nous devons procéder à son remplacement.» Une solution, certes. Mais à quel prix! Et ce n’est certainement pas un remède. Cela revient presque à mettre un cautère sur une jambe de bois. Car, aussi scrupuleux soit-il, ce garagiste est bien conscient que, dans quelques mois, il reverra le même véhicule dans son atelier pour la même raison. Et c’est bien là le drame: le garagiste n’a souvent pas les moyens de savoir d’où vient exactement le problème avec les outils de diagnostic traditionnels dont il dispose. Plus grave, un véhicule peut très bien ne présenter aucun défaut lors du diagnostic «à la valise» ou même réussir le contrôle technique alors que le moteur est déjà très encrassé.
Dis-moi comment tu roules…
Mais, confronté à des pannes à répétition et à une facture de plus en plus lourde, l’automobiliste est logiquement tenté de se retourner contre le constructeur et le rendre responsable. «Pour moi, Renault, c’est terminé!», laisse tomber ce propriétaire d’une Laguna II 1,9 dCi Dynamique année 2002 affichant 180000 km après avoir dû changer deux fois la vanne EGR avant la casse du turbo. Si son agacement est compréhensible, difficile de reprocher à la marque les problèmes en cascade que rencontre le moteur Diesel: il ne s’agit ni d’un vice caché ni d’un défaut de conception, et encore moins d’une fragilité chronique. Les moteurs Diesel d’aujourd’hui ont fait leurs preuves, ils sont fiables et répondent parfaitement aux critères de qualité. Le tort des constructeurs serait plutôt de favoriser la vente des véhicules diesels à tout-va. Les vendeurs proposent systématiquement un diesel, sans se soucier de l’utilisation qui en sera faite. Au point que les motorisations diesels dominent le marché automobile français. En 2009, selon le CCFA (Comité des constructeurs français d’automobiles), 70,7% des ventes de voitures neuves concernaient un véhicule diesel. Plus de la moitié (56,2%) des voitures circulant en France se nourrissent au gazole. L’unique raison d’un tel succès: le prix du litre de carburant à la pompe.
Devant cet engouement et pour faire face à l’entrée en vigueur de normes antipollution de plus en plus sévères, les constructeurs automobiles ont dû développer des systèmes capables de rendre le moteur Diesel plus propre: apparition de l’injection électronique avec des dosages de carburant de plus en plus précis et des injections multiples, ajout d’un turbo, mise en place d’un catalyseur puis d’un filtre à particules… Mais voilà, si les progrès en matière d’émissions polluantes, de confort d’utilisation et de performances sont indéniables, le moteur Diesel est devenu très exigeant pour fonctionner de façon optimale et il supporte très mal les courts trajets à répétition. C’est la principale cause des soucis rencontrés aujourd’hui. Un véhicule ne circulant qu’en ville a de très fortes chances de rencontrer tôt ou tard un souci de filtre à particules, de turbo ou de vanne EGR. Il est toutefois possible de limiter les risques en procédant régulièrement à des accélérations franches. Certes, en ville, il n’est guère possible de rouler à 80 km/h, mais il est judicieux de «pousser» les rapports de temps en temps. Une fois le moteur à température, il faut le faire monter dans les tours en retardant le moment du passage de la vitesse supérieure et dépasser les 3000 tr/min. Il faut même envisager de ne pas passer le rapport supérieur entre deux feux rouges si la distance est trop courte. Le moteur tournera ainsi plus vite et éliminera plus facilement les suies. Le mieux serait de rouler sur autoroute pendant une quinzaine de minutes au moins une fois par mois.
Repérer les signes de faiblesse
La qualité du carburant joue aussi un rôle important. La suppression du soufre, imposée par la réglementation européenne, a diminué les qualités indispensables au gazole: la lubrification et l’amélioration du rendement du moteur. Même s’il a été remplacé par d’autres substances, ce n’est pas la panacée. Le carburant «premium» des stations-service est toutefois préférable au gazole «de base» des grandes surfaces.
Pour savoir si votre moteur est «atteint», et avant que cela ne devienne dramatique, certains signes avant-coureurs peuvent vous alerter. Le premier sera des petits à-coups, puis une perte de puissance lors des accélérations. En effet, pour pallier le manque d’efficience d’un moteur encrassé, le conducteur accélère plus fort afin d’obtenir la même performance qu’avant. Le tout se passant progressivement et à son insu! Et qui dit accélération plus importante dit consommation plus élevée. C’est le début du cercle vicieux: plus le moteur consomme, plus le filtre à particules s’encrasse, etc.
Seule solution: l’éco-entretien
La solution passe par l’éco-entretien. Impossible, donc, d’imputer la responsabilité de cet encrassement aux constructeurs. Ce serait comme si les fabricants d’électroménager étaient responsables des dépôts de calcaire qui dégradent le fonctionnement des lave-linge. En revanche, ce qu’on peut reprocher aux industriels, c’est de ne pas communiquer sur le sujet. Encore moins sur les solutions. Alors que les fabricants d’électroménager ont largement fait passer le message sur les bienfaits d’un agent anticalcaire, pourquoi les marques automobiles ne font-elles pas de même? Avertir l’automobiliste avec un message adapté comme «votre diesel durerait plus longtemps avec un entretien préventif» serait fort à propos. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement (loi du 3 août 2009), le gouvernement mentionne pourtant qu’«une politique d’incitation à l’éco-entretien des véhicules automobiles, nécessaire pour maintenir les véhicules à leur niveau nominal d’émissions polluantes, sera mise en œuvre par l’État en coordination avec les professionnels de l’automobile».
De son côté, la Feda (Fédération des distributeurs indépendants de pièces automobiles), avec l’aide du Ceram (Centre d’essais et de recherche automobile de Mortefontaine) et de Spheretech (Société spécialisée dans les traitements chimiques des moteurs), a prouvé qu’en pratiquant des opérations simples d’entretien (changement de filtres, de bougies, vidange, nettoyage des conduits d’admission et d’échappement) sur trois modèles courants cumulant plus de 80000 km au compteur, on pouvait faire gagner un minimum de 2 à 6 g d’émissions de CO2 par kilomètre parcouru. Outre les bienfaits pour l’environnement, ce regain est un gage de bonne santé du moteur et de performance optimale. Au final, tout le monde se retrouverait gagnant: la planète et l’automobiliste.
Filtre à particules
S’il ne brûle pas, il meurt
Le filtre à particules (FAP), composé d’une structure poreuse, est placé sur le tuyau d’échappement. Il retient les particules indésirables formées lors de la combustion. Au fil des kilomètres, leur accumulation dans l’élément filtrant réduit progressivement le passage des gaz d’échappement. Dès lors, comme pour une cheminée qui manque de tirage, la combustion se dégrade car le moteur «respire» mal. Et ça va de mal en pis puisque si le moteur manque d’air, il fume et génère des suies. C’est le début d’un cercle vicieux. La solution pour qu’une cheminée retrouve une efficacité optimale, c’est le ramonage; pour le FAP, c’est la régénération. Une phase de plusieurs minutes qui consiste à brûler les particules en augmentant fortement la température des gaz d’échappement à plus de 550 °C, seuil d’élimination des particules. Problème, cette valeur n’est pas atteinte naturellement par les gaz d’échappement: leur température monte difficilement à 200 °C lors des trajets urbains et avoisine les 400 °C sur autoroute. Pour trouver les degrés manquants, tous les moyens sont bons et les constructeurs utilisent différentes solutions plus ou moins ortho doxes. À commencer par la post- injection: l’injection d’une quantité de gazole supplémentaire qui se déroule après la combustion principale et qui brûlera dans l’échappement. Puis, par une plus grande sollicitation du moteur afin de le faire chauffer davantage avec la mise en service du dégivrage arrière par exemple. Enfin, ils vont même jusqu’à dégrader la qualité de l’injection pour que le moteur chauffe encore plus. Et cela afin de réussir à brûler les particules accumulées dans le FAP. Ainsi, un moteur qui ne marche qu’en ville ne produira pas assez de chaleur pour réussir à éliminer les particules et s’encrassera irrémédiablement.
Astuces
Préserver son diesel
- Faire de la route et adopter une conduite plus énergique en poussant les rapports, pour faciliter l’élimination des suies et limiter l’encrassement.
- Préférer un carburant «premium», qui reçoit plus d’additifs et limite les risques de grippage et d’encrassement.
- Réaliser un entretien préventif afin d’avoir un moteur le plus propre possible. Une pratique, au final, moins coûteuse que les lourdes réparations.
- Ne pas rouler avec moins d’un quart de réservoir. En effet, l’alimentation du gazole fonctionne en circuit fermé et le surplus revenant du moteur réchauffe le carburant du réservoir. Et, s’il est trop chaud, le gazole dégrade le fonctionnement du moteur.
Interview
«Je ne vois pas l’avenir d’un très bon œil!»
Bruno Guibeaud est expert automobile à Lyon et président d’EQE (Europe Qualité Expertise), un réseau d’experts. Au quotidien, il réalise des expertises juridiques pour les automobilistes et chiffre les dommages aux véhicules. Les soucis du moteur Diesel, il en traite tous les jours pour les automobilistes et les réparateurs.
Que Choisir : Au quotidien, que représentent pour vous les dossiers sur les moteurs Diesel? Qui fait appel à vos services et pourquoi?
Bruno Guibeaud: D’ordinaire, l’automobile représente 70% de mon chiffre d’affaires dont environ 10% d’expertises techniques sur moteurs Diesel. En 18 mois, mon cabinet a traité environ 200 dossiers de moteurs Diesel encrassés sous diverses formes. Aucune marque ne se détache, c’est un mal général, tous les constructeurs sont concernés. Les professionnels me consultent in extremis pour trouver une solution à leur problème. Après avoir changé de nombreuses pièces coûteuses, le client rencontrant toujours les mêmes soucis, ils ne savent plus quoi faire. L’expertise du moteur Diesel arrive toujours au même constat: l’encrassement est la cause de tous les maux. Et là, le garagiste est souvent impuissant. J’ai trouvé des solutions de nettoyage chimique du moteur sans démontage qui se révèlent pertinentes et sont les seuls remèdes efficaces. Mais attention à ne pas faire n’importe quoi, car tous les produits ne se valent pas. Ceux que l’on trouve sur le marché, mal utilisés pour résoudre certains problèmes, peuvent, à terme, être catastrophiques pour le moteur. Il faut vraiment se servir d’additifs de qualité et adaptés.
QC : Comment expliquez-vous cette «épidémie»?
B.G.: Il y a plusieurs raisons. D’abord, les normes antipollution, de plus en plus sévères, imposent des systèmes complexes de dépollution qui ne sont pas forcément adaptés au moteur Diesel. Ensuite, l’origine du carburant, autrefois du pétrole de qualité, aujourd’hui des boues pétrolifères de moins bonne qualité. Enfin, de part ses propriétés intrinsèques, le gazole a tendance à produire des suies.
QC : Comment voyez-vous l’avenir?
B.G.: Malheureusement, pour l’automobi liste, je ne le vois pas d’un très bon œil! L’encrassement des moteurs Diesel est un problème inexorable compte tenu des contraintes actuelles. En France, le diesel n’est perçu qu’à travers le prix à la pompe et pas pour ses qualités. Dès lors, malgré son évolution, le moteur Diesel demeure souvent mal employé et mal entre tenu. Un diesel moderne n’est pas fait pour tourner en «sous-régime» et le conducteur ne doit pas hésiter à l’utiliser comme il pourrait le faire avec un moteur à essence. Une conduite un peu plus énergique permettrait de limiter la production de suie, donc l’encrassement, et de diminuer la consommation. Compte tenu du durcissement des normes antipollution et de l’usage qui est fait du diesel, je ne vois pas comment les pro blèmes peuvent diminuer. L’avenir du diesel automobile passe par l’éco-entretien et le nettoyage chimique.
Yves Martin
Passat CC 140 DSG, carat édition + option Papa heureux ;)